Contributeur du mois: Julien Minet (Belgique)

- escada


Qui êtes-vous ?

Je m’appelle Julien Minet. Je suis de la province de Luxembourg, à la limite de l’Ardenne et de la Gaume. Bio-ingénieur de formation, j’ai travaillé comme chercheur à l’UCL puis à l’ULg – Arlon pendant 8 ans. Je développe actuellement une activité en développement web, SIG et cartographie numérique.

Maps of Arlon

Quand et comment avez-vous découvert OpenStreetMap ?

J’ai entendu parler d’OSM assez tôt, par le biais de sites d’infos sur la cartographie et le SIG. Je me suis mis à contribuer en 2012. Au début, je dois dire que je ne croyais pas trop au projet et le fait que la carte était toute blanche dans le sud de la Belgique ne me poussait pas à y contribuer. Puis, de courageurx pionniers ont initié le travail en cartographiant les routes principales, les villages, etc.

Que cartographiez-vous ? Y a-t-il des différences depuis vos débuts ?

J’ai donc commencé en 2012, et à ce moment, il manquait encore certains hameaux autour de chez moi, que j’ai ajouté, en plus de certaines routes principales. Au début, je cartographiais les chemins forestiers après avoir enregistré leurs traces GPS. Puis je me suis mis à cartographier progressivement les points d’intérêts, càd surtout des commerces, cafés, restaurants, banques, etc. Je suis ensuite passé aux itinéraires balisés autour de chez moi. Depuis quelque temps, je suis devenu addict à OSM en cartographiant l’occupation du sol. Plus on s’implique dans le projet, plus on y découvre d’éléments à cartographier! Pour moi, c’est toujours le bon moment pour s’impliquer dans OSM car il reste une foule de détails à cartographier et à mettre à jour, surtout en zone rurale!

Enfin depuis un an, je cartographie beaucoup en utilisant le détecteur d’erreurs Osmose. C’est un très bon moyen de connaitre les règles, de découvrir d’autres cartographes sur “sa” zone, et de découvrir de nouveaux éléments à cartographier.

Auparavant, je pensais qu’OSM s’était surtout construit avec des imports de données ouvertes. Puis j’ai découvert que ce n’était pas le cas (en Belgique du moins). Depuis, je crois surtout à la cartographie artisanale, de ce qu’on connait, ce qu’on a vu sur le terrain. Vouloir importer des données ouvertes à tout prix ne me parait plus trop intéressant: 1) si ces données sont ouvertes, elles sont de toute façon disponibles ailleurs, 2) données d’autorité ne veut pas dire données parfaites et 3) OSM prend le temps qu’il faut pour se contruire, laissons encore un peu de travail aux futurs contributeurs !

Les données ouvertes peuvent être par contre utiles pour des outils d’analyse et de validation de notre carte, ou bien dans certains cas spécifiques. Par exemple, j’aimerais un jour pouvoir importer les traces de petits cours d’eau en Wallonie, car ceux-ci sont souvent absents d’OSM et il est difficile de les cartographier depuis des images aériennes. A moins de monter un groupe de passionés qui remonteraient les rivières et ruissaux à la nage et à pied un GPS à la main (une super activité en fait!), ça me parait un import assez utile!

Comment cartographiez-vous ? Comment menez-vous vos relevés sur le terrain ?

Habituellement, je cartographie ce que je connais bien, après avoir vérifié sur le terrain. Je n’ai pas de GPS de randonnée, j’utilise seulement mon smartphone avec l’application OpenGPSTracker, que j’active quand je sors en VTT ou en marchant (trop rarement depuis quelques années). Souvent, pour les heures d’ouvertures et les infos de contact de magasins, je prend une photo de la vitrine où sont notées ces infos, avant de les ajouter sur la carte.

J’ai surtout édité avec ID. J’aime bien cet éditeur pour sa simplicité: je l’utilise toujours pour éditer des infos attributaires: heures d’ouvertures de magasins, info de contact, ou pour réparer certaines erreurs relevées dans Osmose. Depuis peu j’utilise activement JOSM pour cartographier l’occupation du sol, en particulier avec le plugin “contourmerge” qui fait gagner un temps fou pour l’occupation du sol. Sur mobile, j’utilise parfois Maps.Me et Vespucci.

Où cartographiez-vous ? Localement, HOT ?

Je cartographie surtout ce que je connais bien, donc dans mon entourage immédiat et là où je vais. Je suis intéressé par la carto humanitaire (HOT), mais j’ai quand même une forte réticence à cartographier ce que je ne connais pas. Au début, j’ai trouvé quelques erreurs grossières autour de chez moi faites par des contributeurs qui n’avait visiblement pas été sur le terrain. Il y a certainement un potentiel dans n’importe quelle région du monde à trouver des contributeurs. Bien sûr, les contributeurs potentiels les plus susceptibles de s’intéresser au projet sont toujours limités, il faut d’abord cibler les étudiants en géo, en IT… Mais il n’y a pas besoin nécessairement besoin de toucher des milliers de personnes pour arriver à un bon résultat. Puis on peut être étonné par qui s’intéressera au projet et y contribuera. J’ai la chance de rencontrer des étudiants africains à l’ULg Arlon à qui j’essaye de faire découvrir OSM. Ils sont souvent emballés par le projet, qui est très pertinent dans des endroits où les autres cartes numériques sont souvent absentes. Donc, oui à la cartographie humanitaire si on n’oublie pas de pousser les locaux à contribuer et à s’impliquer dans OSM, et ce partout dans le monde.

Quel est votre plus grande réussite en tant que cartographe ?

Je suis fier de ma “zone”, en gros les forêts d’Anlier et de Rulles, où j’ai le plus cartographié. J’en suis content parce que les cartes IGN de ces forêts ne sont pas toujours à jour, tellement les chemins peuvent disparaitre rapidement sous la végétation, et parce que de nouveaux sont créés chaque année par l’exploitation forestière ou bien les VTTistes.

Pourquoi cartographiez-vous ? Qu’est-ce qui vous motive ?

J’ai toujours été fan de cartes. Et de randonnée à l’extérieur. Donc c’est surtout ça que j’aime dans OSM: sortir faire un tour à vélo/en courant puis éditer la carte en fonction de ce qu’on a vu. J’aime bien le côté geek aussi, le fait d’avoir une passion incroyable à raconter quand vous êtes invité à diner le mercredi soir…

Quelle est la partie la plus difficile en cartographie ?

Pouvoir maintenir la carte à jour! Et trouver la motivation pour mettre à jour ou améliorer ce qui est déjà présent.

Quels sont vos plans de cartographie dans un futur proche ?

J’en ai parlé sur mon blog ici: http://www.nobohan.be/2017/01/22/mes-envies-openstreetmap-en-2017/. surtout l’ocupation du sol et les itinéraires balisés. Ou pourquoi pas remonter les ruisseaux?

Avez-vous des contacts avec d’autres cartographes ?

Je suis inscrit sur la liste talk-be, que je suis régulièrement. Un conseil: comme cette liste génère beaucoup d’emails, redirigez automatiquement ces emails vers un dossier dédié dans votre messagerie. J’ai participé de temps en temps aux (rares) réunions OSM qui ont lieu en Wallonie. Du coup, j’y ai rencontré Julien Fastré il y a déjà quelques années puis on s’est revu souvent. J’ai initié à OSM quelques connaissances autour de moi, mais ce sont des contributeurs assez irréguliers. Puis à la conférence State of the Map de Bruxelles en 2016, j’ai pu enfin rencontrer en chair et en os presque toutes les légendes de la communauté OSM belge! Je crois bien que c’était le plus beau jour de ma vie! ;-).

Utilisez-vous vous-même OpenStreetMap ? Comment ?

J’utilise OSM dans des applications mobiles de cartographie, comme OSMAnd et MapsMe. Avoir des cartes offline, c’est toujours utile. Je l’utilises comme calcul d’itinéraires. Enfin, je l’utilise souvent dans mon activité de consultant SIG: comme fond de carte d’une webmap ou comme source de données.

Faites-vous d’autres choses que la cartographie qui soit liées à OpenStreetMap ?

J’ai fait d’OSM une partie de mon métier. Un projet que j’aimerai plus développer est une carte des commerces et des services pour des zones rurales, où on trouve rapidement les heures d’ouvertures et les numéros de téléphone. J’ai développé un prototype pour ma commune, que j’utilise souvent pour savoir si tel magasin est ouvert : http://www.nobohan.be/webmaps/Marbehan/map_zoom.html. J’aimerais le proposer à d’autres communes, en relation avec des agences de développement local, des associations de commerçants.

Pour conclure, y a-t-il autre chose que vous voulez mentionner ?

Pour moi, OSM a un énorme potentiel, qui n’est pas encore complétement connu. Pour autant que les données OSM soient complètes et précises, ce qui est déjà le cas pour certains thèmes et dans certains endroits, de tas d’applications pourront être inventées. Il y a des tas de métiers qui utilisent l’information géographique, souvent de manière occasionelle, qui gagnerait à utiliser OSM. Le modèle de données d’OSM, son système de tagage libre, est certainement à la base du succès de ce projet et de sa capacité d’innovation, mais il a aussi ses désavantages. Un challenge est la complétude et l’exactitude des données. C’est peut-être en créant des dérivés, des miroirs déformants d’OSM qu’on arrivera à des applications métiers plus faciles ou plus rassurantes pour les utilisateurs.

Il reste beaucoup de choses à ajouter et mettre à jour dans OSM. J’espère pouvoir encourager de nouveaux contributeurs à s’intéresser au projet. Une force du projet est qu’on peut y contribuer comme pur amateur ou bien comme expert carto.